Avion : GES variables et GES répartis
Bon, je sens que je vais me faire tirer des roches …
Avant tout, je veux préciser que je n’ai pas pris l’avion depuis 6 ans et que je ne compte plus prendre l’avion … ou peut-être une fois ou deux d’ici la fin du film.
Il ne fait aucun doute qu’il faut réduire les vols d’avions. C’est une source terrible de GES.
Éviter un vol empêche d’encourager une société d’aviation en lui transférant des $$$ et réduit éventuellement la demande si plusieurs le font. Ça peut aussi être un geste cohérent avec ses valeurs (sans forcément arrêter tout vol complètement).
Mais n’oublions pas : c’est le vol complet qui doit être annulé. Tant qu’il y a un décollage, qu’il y ait quelques personnes en moins ne change rien au GES.
Je vois souvent des données du genre : un vol Paris-New-York représente 1,778 tCO2e par personne. Et encore plus si on voyage en classe affaire (ah ah) !! Personnellement, je trouve ça un peu … un tantinet ridicule. Il s’agit de GES répartis et non pas de GES variables.
J’aimerais juste faire une nuance, dangereuses j’en conviens, mais qui doit être faite pour être complètement rigoureux et transparent et éviter aussi de mauvais raisonnements à court terme.
Si je prends ma voiture à moteur thermique pour rouler 400 km, le lien est direct sur ma consommation de GES. Si je prends un avion qui aurait volé de toute façon, je n’émets pas de GES supplémentaires.
Dans une conférence récente on disait : « … mais si vous devez aller à Los-Angeles à partir de Montréal (par choix ou obligation), il est préférable de prendre l’avion que de prendre sa voiture ». C’est évident ici mais c’est souvent vrai aussi dans de courtes distances.
Disons que je doive me déplacer de Québec à Toronto de façon imprévue dans 2 jours. Oublions le train qui est plein, les coûts en $$$, la durée du trajet et les pertes de temps lié à l’avion. J’ai le choix entre ma voiture et l’avion. L’avion décollera de toute façon, que je sois là ou pas. Une personne de plus ne change rien. En revanche, avec la voiture j’émets de nouveau GES. L’avion est préférable ici du point de vue des GES.
C’est sûr qu’avec ce raisonnement, on risque de toujours prendre l’avion. C’est un danger que des gens « de mauvaise foi » accaparent ce raisonnement pour prendre constamment l’avion en se disant : « l’avion va décoller de toutes façons ». Mais quand même … je crois qu’il faut faire la nuance entre un vol planifiée à long terme qui pourrait être évité par choix par rapport à un déplacement qu’il faut faire de toute façon et qui ne changera pas le monde de l’aviation à court terme.
À l’inverse, il y a un risque aussi que quelqu’un qui a pris sa voiture croit qu’il a sauvé des GES dans son empreinte personnelle, en comparant les GES fixes qui lui auraient été attribués s’il avait pris un vol et croit qu’il peut manger plus de viande ou faire un autre voyage et rester dans son objectif de 2 tonnes, par exemple. Ou si on se dit : je ne prends pas l’avion cette année donc je peux rouler 1000 km durant mes vacances et je sauve des GES. Je trouve que les GES attribués pour les vols d’avion dans les sites de calcul de notre empreinte risquent d’être trompeurs.
C’est un peu comme si on vous répartissait les GES de l’immeuble de Revenu Québec parce que vous avez fait un appel pour obtenir de l’information. J’exagère un peu mais on sait, selon plusieurs études, qu’environ 25% des GES dépend directement de nous et le reste dépend des institutions, des entreprises et des diverses activités communes de la société. Ces GES ne sont pas directs mais seraient une répartition (et bien sûr, il faut s’y attaquer aussi).
Les comptables reconnaitront une ressemblance avec la façon de répartir les frais fixes d’une entreprise (salaire du PDG ou les taxes foncières de l’usine) entre les différents produits. Il y a un risque de prendre de mauvaises décisions. Les étudiants se font prendre dans les examens avec cette colle (par exemple pour une commande spéciale ou un produit en perte de demande).
Pour les avions, c’est le vol au complet qui doit être annulé. C’est la grande demande globale qui doit réduire pour faire mal ou une règlementation sévère pour limiter les vols, en particulier les vols de courtes distances qui peuvent se faire en train. Cela a été fait en France (peut-être pas assez pour certains mais quand même https://blog.tugo.com/fr/blog/ce-que-vous-devez-savoir-interdiction-en-france-vols-interieurs-courte-duree/ …. et voici un post LinkedIn sur les vols Paris-Biarritz https://lnkd.in/eRxAzDjE). C’est sûr qu’au Canada, c’est moins facile. D’autres auteurs (Jancovici en particulier) proposent de limiter le nombre de vols qu’on peut prendre durant sa vie (comme 3 ou 4). On pourrait aussi augmenter les taxes et frais, en particulier aux sociétés qui offrent des vols à coût très bas (comme Easy Jet que j’ai utilisé quelques fois). Il y aussi le cas des familles réparties dans le monde qui demande réflexion. De même que les jeunes devraient pouvoir voyager davantage que ceux qui en ont déjà profité.
Les affreux jets privés devraient pratiquement être interdits ou du moins fortement réglementés ou être liés à des frais colossaux pour les utilisateurs (taxes ou autres).
On peut malheureusement aussi faire ce genre de raisonnement pour les bateaux de croisière. Pas sûr que quelqu’un qui évite une croisière et décide plutôt de rouler 1000 km en vacances a sauvé des GES. À court terme, le bateau aurait navigué que la personne soit là ou pas. Encore ici, il y a les mêmes dangers notés ci-haut. Et aussi les mêmes arguments pour ne pas le prendre : encourager une industrie qui cause des GES énormes, leur transférer des $$$ et la question des valeurs.
Arrêter l’avion et les voyages qui viennent avec est pour moi un geste clair de sobriété et un renoncement assumé. J’ai lu quelques textes plus « psychologiques » qui tentent de nous convaincre que les voyages ne sont pas si importants, qu’il y a des alternatives, qu’on travaille trop durant les 50 autres semaines et qu’on tente de compenser, etc. Tout ça est peut-être vrai pour certains mais a peu de valeur à mes yeux et pour beaucoup de gens : l’arrêt des voyages demeurent pour moi un renoncement assumé et un geste de sobriété. Mais au moins, moi, j’ai eu la chance de beaucoup voyager dans le passé.
Je trouve vraiment désolant cette situation pour nos jeunes. On a beau dire qu’on peut voyager de façon intéressante en demeurant proche et c’est vrai. J’ai visité toutes les régions du Québec avec beaucoup de plaisir mais les voyages dans d’autres cultures et régions sont des expériences extraordinaires (sans que ça devienne du sur-tourisme néfaste). Personnellement, ils ont influencé ma vie. A mon arrivée au Caire en Égypte (avant la révolution), je me suis lancé dans un souk et j’étais complètement enflammés/survolté. Un désert du Maroc avec des berbères tellement gentils, être sur les plateaux du Tibet dans l’Himalaya ou dans des lieux renommé de Lhassa, voir la Chine et le marché de Canton ou voir une crémation à Katmandou sont des expériences uniques (et tellement d’autres destinations, bien sûr, dont l’Afrique subsaharienne et l’Amérique du Sud que je n’ai pas visitée). J’ai été 2 mois avec ma conjointe en Indes avec un packsac sur le dos et j’ai été bouleversé. Je n’aurais pas pu vivre ça dans un quartier Indien à Montréal ou Toronto comme on le propose parfois pour se dépayser. Oui j’ai bien aimé visiter l’Amérique du Nord et l’Europe, et c’est une super expérience, mais ça ne se compare pas à un réel dépaysement. Du moins, pour moi. Les jeunes risquent de ne pas pouvoir profiter de ça et c’est triste pour eux (toujours selon mon petit monde).
Quand un client me demandait comment aider ses ados ou jeunes adultes à faire une bonne planification financière, je leur répondais à peu près ceci quand j’étais à l’aise avec le client : Foutez-leur la paix avec l’épargne, montrez-leur à gérer la vie financière quotidienne pour commencer et proposez-leur de partir 3-4 mois quelque part dans le monde pour se déniaiser et voir que ça marche ailleurs aussi. Ça leur sera utile ((bien sûr, pas forcément dans un endroit dépaysant).
J’ai lu récemment un article qui calculait la perte financière à long terme liée au fait de retarder ses études d’une année. Décidément, on ne voit les choses que par le prisme de l’argent (sans parler de l’erreur classique dans le texte de comparer des sommes qui ne surviennent pas au même moment). C’est un peu comme la personne fiscaliste qui dit à son enfant : « tu sais, je perds 200$ de l’heure pour être avec toi aujourd’hui ».
Pendant ce temps-là, M. Legault investit 430 millions de $$$ dans Airbus!!
Oui, il faudra aider les employés de ce secteur dans la transition (et les gouvernements qui font de mauvais placements … non, je ne parle pas juste de Northvolt).
J’insiste : je ne prendrais plus l’avion… ne tirez pas les roches trop fortement.
Éric Brassard, FCPA, Retraité
Courriel : [email protected]
Site web : www.ericbrassard.ca
LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/eric-brassard-fcpa-62182120/
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