Inflation et environnement

Il est dommage de lire que l’inflation est un problème plus important que l’environnement, alors qu’ils sont liés.

Les taux d’inflation passés ont toujours été sous-évalués parce qu’on n’a pas pris en compte tous les coûts et leur augmentation. Aujourd’hui, les coûts réels frappent et on verra leurs répercussions en un court laps de temps, car nos politiciens ont trop attendu.

L’Inde vit en 2022 une sécheresse en raison des changements climatiques. Sa production de blé est en danger.
Elle décide de ne plus exporter pour protéger sa population. Les marchés paniquent et la rareté du blé fait exploser les prix (combiné bien sûr à la guerre en Ukraine). L’inflation galope. Pensez-vous que la hausse des taux d’intérêt réglera la sécheresse? Notre laxisme passé frappe. Les gens mangent trois repas par jour (du moins, la plupart) et la demande n’est pas élastique comme peut l’être l’achat de maisons ou de meubles.

Quels coûts a-t-on oubliés depuis si longtemps? Les externalités négatives. Ce sont des coûts sociaux et environnementaux que l’on ne considère pas dans le coût de production des biens et services. Ce ne sont pas des coûts-déboursés (ce n’est pas un chèque). L’air a toujours été gratuit. Ceux qui ont pollué n’ont pas payé pour leurs dommages. C’est souvent la même chose pour l’eau, les forêts, les terres cultivables, les océans, etc.

Nous avons payé le litre d’essence trop bas durant des décennies. Aujourd’hui, c’est le retour du balancier. Le réchauffement climatique fait ses effets et de nombreux biens deviendront plus coûteux … comme le blé.

La hausse du prix du pétrole est le seul point positif de la guerre en Ukraine. Il ne faut surtout pas fixer un prix plafond comme le suggère le PQ, ni réduire les taxes comme le suggèrent les conservateurs. Il est plus que temps qu’on assume les vrais coûts de ce produit nocif. On a taxé le tabac parce que c’est un produit nocif qui entraîne des coûts pour la société. Ceux qui en dépendent doivent assumer ce coût ou arrêter de fumer. Il en est de même pour le pétrole. Si on avait assumé son vrai coût depuis des décennies, on ne serait pas dépendant d’un despote russe. On aurait soit limité notre utilisation soit développé d’autres sources d’énergie.

L’inflation est là pour de bon et ce n’est pas la hausse du taux d’intérêt qui va tout régler, car il s’agit avant tout d’un problème d’offre et de chaines d’approvisionnement défectueuses.

Que faire pour affronter cette réalité? Il faut d’abord aider les plus démunis en augmentant le crédit de solidarité et l’aide sociale, en augmentant le salaire minimum, en envoyant un chèque (mais pas de la manière que la CAQ l’a fait avec les 500$ en 2022) ou en prenant d’autres mesures d’aide à la survie. La hausse des taxes sur le pétrole dont le gouvernement profitera devrait être utilisée à cette fin. De plus, les camionneurs et les chauffeurs de taxi n’ont pas à assumer seuls ces coûts supplémentaires. Ils doivent transiter dans toute la chaine d’approvisionnement. Quant aux autres … eh bien … c’est la réalité qui frappe. Il faut couper ailleurs! Et ce n’est qu’un début. Soit on gère la question environnementale consciemment en faisant des choix intelligents tout de suite soit on se fera imposer des problèmes très douloureux dans un futur de plus en plus proche. On n’est pas en avance et la réaction de nos politiciens est trop timide en raison de leur manque de vue d’ensemble du contexte et de courage.

Encore une fois, je vous recommande cette vidéo de 30 minutes très juste et très pédagogique de Arthur Keller .

Voici un exemple archi-simple:

  • Un sac de fruits ordinaire coûte 10$, mais sa production crée des problèmes environnementaux importants (des externalités négatives). Des agriculteurs qui produisent ces fruits sans nuire à l’environnement exigent 14$ pour un même sac en raison de coûts supplémentaires (dont des terres moins productives). Ceux qui achètent des pommes ordinaires font assumer les vrais coûts par les autres tandis que ceux qui paient 14$ assument le coût complet de leurs achats.
  • L’année suivante, en raison de la hausse de certains coûts-déboursés, les fruits ordinaires coûtent 10,10$. Les économistes seront heureux de dire que l’inflation n’a été que de 1%. En fait, ces fruits auraient dû encore coûter 14$ (ou disons 14,14$). On reporte le problème. Le 1% est faux.
  • L’année suivante les problèmes environnementaux sont plus importants, les gens sont inquiets, les terres surexploitées sont moins productives, etc. Les fruits ordinaires se vendent maintenant 11$ pour un taux d’inflation de 8,9% (par rapport au 10,10$ précédent). Les politiciens paniquent et indiquent que l’on s’éloigne de la cible du 2%. Le problème n’est pas le 8,9%, mais plutôt le 1% qui était sous-évalué parce qu’il ne tenait pas compte de tous les coûts (bien sûr, j’aurais dû faire l’analyse sur plusieurs années). On a constamment sous-évalué et ignoré les vrais coûts passés.
  • À terme, ce sac coûtera 14$ (plus une inflation sur les coûts-déboursés). L’inflation sera énorme. Mais le pire, c’est que même les producteurs qui tenaient compte de tous les coûts vont subir, à un moment donné, les contrecoups de ceux qui produisaient sans tenir compte des limites terrestres, puisque les problèmes environnementaux s’aggravent et ont des impacts partout. C’est un cercle vicieux.

C’est le même principe avec les abeilles. On oublie les vrais coûts des insecticides au glyphosate (roundup) de Monsanto/Bayer. Ça tue des abeilles, donc il y a moins de pollinisation, donc moins de fruits, donc des coûts plus élevés. Voilà une autre externalité négative négligée trop longtemps.

Les carottes bios coûtent plus cher que les carottes ordinaires. Illogique! Si le sac en plastique proposé dans les épiceries coûtait 2$ (grâce à l’écofiscalité), la demande diminuerait. En ne facturant rien, on reporte le problème. Le coût est là, quoi qu’on en dise. Soit on l’assume tout de suite, soit on le reporte par l’entremise des effets néfastes futurs du plastique. Il en va de même pour les satanées bouteilles d’eau.

Quand tous les biens exigeront des $$$ égaux à leurs coûts réels, ça ne sera pas rigolo en matière d’inflation.

Pendant ce temps-là, on doit s’occuper de la visite d’une personne très riche qui vit de l’aide sociale en Angleterre. En 2022, on a encore une reine au Canada! La hausse des taux d’intérêt aura certains effets, surtout à court terme, et en particulier sur l’immobilier. Cela ne réglera toutefois pas l’inflation d’une foule de biens qui vivent un problème d’offre combiné à des externalités négatives qui commencent à crier fort. Le problème actuel de l’inflation est un problème d’offre (comme le blé des Indiens) et non un problème de demande excessive. Les gens ne mangent pas plus que l’année passée!

S’occuper de l’environnement, c’est s’occuper aussi de l’inflation. Croire que l’adaptation aux changements climatiques « coûte cher » est simplement absurde/ridicule/stupide. Certains de nos politiciens n’ont pas la compétence pour répondre convenablement à cette question tellement basique : qu’est-ce qu’un coût?

Voilà un vaste sujet! Je sais que tout cela est plus complexe que ce que je viens d’écrire. En particulier, il n’est pas toujours évident d’établir un chiffre en dollars pour les externalités. En effet, c’est un très vaste sujet!

Éric Brassard, FCPA, Retraité,
Courriel : [email protected] 
Site web : www.ericbrassard.ca
LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/eric-brassard-fcpa-fca-pl-fin-62182120/

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